H comme…Homme-Sandwich

Tu es en 1820, tu te balades dans les rues de Londres et… «Oh tiens! Thierry! Qu’est-ce que tu fous entre deux affiches?». Tu viens de croiser le premier homme-sandwich. 

A cette époque, les marques en avaient marre de devoir payer une taxe sur les enseignes et les affiches fixes. Alors pour contourner ça, elles ont commencé à habiller des prolos avec des panneaux publicitaires reliés par des bretelles. Habile! 

Quand on pense aux hommes-sandwichs, on voit une époque lointaine, en noir et blanc, où les gens marchent au rythme de l’accordéon. Bien loin des smartphones, des e-panels et de la publicité digitale d’aujourd’hui. D’ailleurs, peu d’entre nous peuvent se vanter de connaître un homme (ou une femme) sandwich. Pourtant le sujet était encore d’actualité en 2008, lorsque les autorités madrilènes ont interdit cette pratique «portant atteinte à la dignité de la personne»… avant de se rétracter en 2009 suite à des réclamations. Si ton rêve c’est d’être une F4, tu sais où aller. 

Si on ne les croise plus dans la rue, ces hommes et ces femmes-sandwichs ont-iels pour autant disparu·e·s? Des gens, payés pour porter des marques sur leur corps au profit des entreprises, ça ne vous rappelle rien? Bingo, je veux évidemment parler des influenceur·euse·s! 

Attention, je ne pointe pas les «créateur·rice·s de contenus», qui se font «sponsoriser» leurs créations par des marques (finalement, un peu comme nous, les publicitaires), mais bien de celles et ceux qui, trop souvent, érigent une carrière sur le néant créatif et un gouffre intellectuel tout aussi abyssal. 

blog pub suisse romande

Fut une époque où on avait de l’influence parce qu’on faisait des choses. On était sportif·ve, artiste, acteur·ice. L’influence c’était le résultat d’un savoir-faire, d’un talent. Une sorte de reconnaissance. Les kids apprenaient Wonderwall en rêvant de monter sur scène (et pour pécho, ok), commençaient à kicker sous les posters de 2pac accrochés aux murs de leur chambre ou se défonçaient les tibias en skate en rêvant d’être le prochain Tony Hawk. 

Aujourd’hui tu deviens une star parce que t’as fait «Les Marseillais à Kaboul» ou «Les Ch’tis à St-Saphorin». On enferme des débiles dans des villas, on les regarde s’embrouiller et quand ils sortent, c’est des stars. À une époque on appelait ça de la «Psychologie expérimentale». Aujourd’hui on dit «TF1». Nul doute que s’il avait fait ses expériences en 2020, Zimbardo serait plus proche d’Hanouna que de Freud. 

obey publicite marketing digital

C’est clair que les réseaux sociaux ont changé la donne. N’importe qui peut être un média, et quand un média est suivi, ça intéresse les marques. On va alors créer de nouvelles idoles et les utiliser pour faire de l’argent. Fini les coupures pub, nous sommes passés dans l’ère du partenariat rémunéré. L’homme sandwich n’a plus de bretelles, mais un compte TikTok. 

Et ça ne risque pas de s’essouffler de sitôt: je lisais dans le Temps qu’influenceur est passé devant chanteur au classement des métiers qui font le plus rêver. Quel cauchemar. 

film they live blog

Faut-il pour autant jeter la pierre aux nouvelles générations (comme des gros boomers)? N’oublions pas qu’ils font avec ce qu’on leur a donné: un monde qui va de plus en plus mal avec des perceptives peu réjouissantes. L’apologie des réseaux sociaux et la recherche du «like» et de l’approbation immédiate ne serait-elles pas la réaction logique d’une génération qui a tiré un trait sur le futur? (Oui Patrick, on sait, t’avais un blouson «No Future» en 74. Mais si t’étais un vrai punk tu serais mort d’une overdose, pas en train de traiter tout le monde de wôkiste sur Facebook.)

blog independant freelance

En tant qu’enfant des 90’s, je suis heureux d’avoir pu appréhender le futur avec un peu plus d’enthousiasme. C’est clair que les trentenaires d’aujourd’hui ont vécu un sacré tournant. Du 11 septembre au réchauffement climatique, en passant par Loft Story, tout n’allait pas vers le mieux. Mais recentrons sur notre sujet. 

Les réseaux sociaux ont offert la possibilité à n’importe qui d’avoir une tribune, même ceux qui n’en avaient pas la légitimité. Je ne dis pas que tous·tes les influenceur·euse·s ne méritent pas leur succès, mais ils ne brillent que rarement par la profondeur de leurs propos. Qu’ont ses gens à apporter, mis à part un support pour les marques ? Que devient l’influence quand on n’a plus rien à dire ? 

Précédent
Précédent

I comme…idée

Suivant
Suivant

G comme… Galère