J comme…jargon

Nous, publicitaires, avons souvent été représenté·e·s dans la pop culture comme des personnages plutôt snobs, s’exprimant avec un vocabulaire aux anglicismes foisonnants. Et vous pensez bien que ces clichés ne sortent pas de nulle part. Si certaines des idées préconçues qui nous collent à la peau ne sont plus forcément d’actualité (comme la coke, les queues de cheval, et les budgets décents), il est vrai que la question du langage reste un élément qui nous différencie du commun des mortels.

Vous êtes au téléphone? Nous on est “en call”. Vous cherchez des solutions? On “brainstorm”. Faire un devis? My bad! Ici on “cost”, Madame!

Parfaitement bilingues français/bullshit, nous sommes passés maîtres dans l’art de faire passer des choses basiques pour des concepts abstraits. Mais dans un milieu aussi hétéroclite que la pub, mélangeant tant les génies d’écoles de commerce que les artistes les plus perché·e·s, il nous fallait trouver un terrain d’entente: le langage.

Selon Émile Durkheim, père de la socio moderne, ce lexique commun servirait à gommer nos divergences culturelles afin de construire des normes sociales partagées. Cela nous permettrait de créer des ponts avec des gens avec qui nous n’avons strictement rien en commun (comme Michel et sa passion pour le curling sur talus) et ainsi faciliter la coopération et la coordination des activités. En bref, un coup de génie du capitalisme qui permet de faire travailler des groupes de gens qui se détestent tout en restant productifs!

blog baston jargon

Foucault (non, pas celui de Qui Veut Gagner Des Millions, l’autre) aussi a sa petite théorie sur le rôle du langage. Pour lui, plus qu’un simple outil, il joue un rôle essentiel dans la construction et l’exercice du pouvoir. Les normes linguistiques, les terminologies spécifiques et les représentations symboliques façonneraient les pensées, les comportements et les perceptions des individus et des groupes. En contrôlant le langage, les institutions et les élites influenceraient la manière dont les individus se voient, se rapportent aux autres et agissent dans le monde. Faut-il donc comprendre que “brief”, “pitch”, “branding”, “storytelling” seraient simplement un moyen de nous faire nous sentir supérieur·e·s, d’appuyer nos positions et de s’automasturber entre professionnel·le·s de la branche? Peut-être…

agence romande lifestyle

Si je n’ai personnellement aucun souci à parler «publicitaire» avec les gens du milieu, je porte en horreur celles et ceux qui en font un trait de personnalité. Je parle de ce «pote» qui, en soirée, va utiliser un max d’anglicismes et de termes techniques pour bien montrer qu’il appartient à une caste différente (souvent supérieure) de celle de son interlocuteur. Mais attention à ne pas non plus considérer la langue comme un élément figé: elle n’est qu’évolution et expérimentation. Fendez-vous donc de “budg’“, de “drip”, ou même de “quoicoubeh” si cela vous chante... Mais n’oubliez pas que rien ne sert de parler si on ne se fait pas comprendre et que vous n’aurez pas l’air plus intelligent en utilisant des mots que personne ne capte.

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